Petrus Apianus

Astronomicum Caesareum

1540

1. illustration d’une page avec de nombresues volvelles (FII)

Il a fallu huit ans de travail pour concevoir, imprimer, colorier, puis assembler l’Astronomicum caesareum, véritablement l’une des plus remarquables productions éditoriales de la Renaissance.

Ce grand volume in-folio est réputé surtout pour ses disques de papier, ou volvelles, pouvant être tournés pour faire des calculs savants.

Si d’autres livres similaires avaient vu le jour depuis l’invention de l’imprimerie, l’Astronomicum caesareum est de toute évidence la verßsion de luxe de ce type d’instrument de papier.

Et pour cause ! Certaines planches contiennent jusqu’à six volvelles superposées, tournant autour de plusieurs axes.

A cela s’ajoutent des perles accrochées à des fils de soie en guise de marqueurs.

Ce système devait permettre aux lecteurs « profanes » de l’époque de comprendre la mécanique céleste, sans devoir faire recours à de complexes tables de calculs astronomiques.

illustration de la carte des étoiles

Les illustrations fonctionnement sur la page comme des objets à trois dimensions.

Regardez cette main qui surgit des nuages pour nous présenter, dans un emboîtement semblable aux astrolabes, cette volvelle qui réussit l’exploit de transposer sur un plan toute la voûte céleste (1033 étoiles d’après le texte d’Apianus !).

Ce disque met littéralement les constellations en mouvement, Hercule et ses travaux, Persée s’envolant avec la tête de Méduse, le navire des Argonautes...

Cette mise en scène spectaculaire ne pouvait qu’enchanter le dédicataire et lecteur du livre, l’empereur Charles Quint.

A travers tout l’ouvrage, les dates clés de la vie et du règne de celui-ci étant utilisées comme exemples pratiques pour illustrer chaque type de manipulation.

On y apprend, par exemple, comment établir la position des étoiles au moment de la naissance de l’empereur ou la corrélation astrologique entre l’apparition d’une comète et le jour de son couronnement.

dragons

La même mise en scène spectaculaire est à l’œuvre dans cette autre planche consacrée au calcul des nœuds lunaires, les moments où la trajectoire de la lune croise celle de l’écliptique (dans l’astronomie des Anciens, l’écliptique désignait la révolution du soleil autour de la terre).

Le plus petit disque, au centre de la page, contient, en miniature, l’illustration synthétique et purement scientifique du phénomène.

L’ombre de la terre se projette sur la lune : c’est une éclipse de lune.

La lune s’interpose entre la terre et le soleil : c’est une éclipse de soleil.

La volvelle offre au lecteur à la fois un instrument de calcul précis (grâce à ce disque on peut anticiper avec précision les dates d’éclipses de soleil ou de lune) et la représentation spectaculaire d’un vieux mythe.

On pensait alors que les éclipses se produisaient lorsque la tête ou la queue d’un dragon était parfaitement alignée sur le soleil ou sur la lune.

Le symbole ☊ pour caput draconis, ou tête du dragon, est encore employé de nos jours pour signifier le nœud lunaire ascendant, responsable d’une éclipse de soleil et cauda draconis ☋, ou queue du dragon, pour désigner le nœud descendant – moment où se produit une éclipse de lune.

Construction du Torquetum

Les manipulations proposées par ce livre ne se limitent pas au maniement de disques de papier.

Apianus réserve une ultime surprise interactive à ses lecteurs.

Les dernières pages du livre contiennent le manuel d’assemblage d’un torquetum, similaire à celui que Holbein avait illustré dans son célèbre portaire des Ambassadeurs Londres, National Gallery.

Il s’agit d’un instrument de calcul astronomique composé de plusieurs disques rotatifs et de plateaux, permettant de déterminer la position des astres via le croisement de trois coordonnées (l’horizon, l’équateur et l’écliptique).

Apianus montre, étape par étape, comment il faut assembler les disques de cuivre, découper les planches de bois, et calibrer le tout au bon angle.

Les expérimentations scientifiques se prolongent ainsi au delà du livre, le lecteur étant invité à retrousser ses manches et se mettre réellement à l’œuvre.

Radu Suciu