vers 1910
Similaire aux encyclopédies d’hygiène et de santé très en vogue depuis la seconde moitié du XIXe siècle, cet ouvrage, paru autour de 1910, met la science à la portée du (très) grand public, dans une langue simplifiée et agrémentée de nombreuses images et dessins explicatifs.
Le succès de caisse était assuré pour ce genre de livre et les éditeurs ouvraient leurs presses à des tirages importants – le volume exposé fait partie d’une 5e édition et affiche triomphalement un total de 30'000 à 40'000 exemplaires.
Puisqu’il ne s’agit pas d’un ouvrage de référence, on ne trouvera aucune indication sur la date de publication – flottement temporel évidemment utile pour la vente – ou sur le nom des auteurs.
La simple mention d’un « comité d’ingénieurs spécialistes » sur la page de titre suffit pour convaincre le public visé, sans doute davantage attiré par l’illustration de couverture que par les précisions bibliographiques.
Voyez ce « mécanicien moderne » : il est assis sur une enclume, nu et accoudé, mais souriant (on pourrait se demander si cette pose pastiche involontairement l’ange de la mélancolie de Dürer ?) ; il tient un compas, mais garde un marteau à portée de main; il regarde vers l’avenir.
Le ciel est rouge, c’est l’aube d’un nouveau siècle.
Il n’est donc pas étonnant que l’ouvrage s’ouvre sur un chapitre consacré au fonctionnement de la « voiture automobile à pétrole » qui devait faire rêver tant de monde à cette époque-là.
En plus, la première planche imprimée en couleur réserve à ses lecteurs une surprise interactive.
Elle est faite de plusieurs couches de papier collées ensemble.
En soulevant ces rabats, l’on découvre progressivement les secrets de l’automobile.
Derrière la carrosserie, voici le moteur avec ses soupapes, puis le châssis avec ses ressorts et ses « nervures ».
Une légende complexe de plus de soixante-dix entrées jalonne cette exploration de l’automobile de papier.
Ensuite, en une cinquantaine de pages, on explique, pas à pas, les principes de fonctionnement du moteur à explosion, en même temps que l’on illustre une multitude de modèles d’automobiles, des voiturettes, une « auto-tonneau », des « voitures de course » ou des « omnibus de promenade ». (Vous pouvez visualiser ici l’intégralité de ce chapitre sur l’automobile)
D’autres planches font l’anatomie d’une locomotive, d’une chaudière, ou d’une dynamo.
Les mécanismes les plus complexes et les machines les plus extraordinaires des années 1900 sont ainsi mis à la portée de tout le monde grâce à cette entreprise éditoriale, avec l’assurance et l’optimisme qui caractérisent les débuts de siècle.
En soi, l’exercice interactif n’a rien de neuf, on le retrouvait déjà à la Renaissance dans des livres d’anatomie, où le lecteur était de la même manière invité à déplier le papier pour dévoiler le corps humain. (on trouvera sur cette page des exemples de ce genre d’impressions interactives du XVIe siècle).
En revanche, il est étonnant de voir la précision avec laquelle les nombreux rabats de papier sont calibrés ici pour être imprimés en couleur, ensuite découpés avec précision, puis assemblés dans des milliers d’exemplaires.
Encore un exploit de la mécanique moderne !
Radu Suciu