Michel Butor

Jacques Monory

Bicentenaire kit

1976

Photo d’objets en vrac dans leur boîte [168]

À l’instigation de l’éditeur Philippe Lebaud et avec la complicité du peintre Jacques Monory, ce coffret a été conçu à l’occasion du bicentenaire de la Déclaration d’indépendance américaine (1776).

Il paraît donc deux ans avant Boomerang, qui s’y réfère souvent.

Cet objet hybride, qui porte deux titres (« Bicentenaire kit » et « USA 76 ») a été décrit maintes fois, mais avec des variantes qui semblent indiquer que le contenu du coffret n’est pas toujours le même.

Voici l’inventaire simplifié de celui que nous exposons.

Dans un premier tiroir, au format de la boîte, 10 sérigraphies de Monory insérées dans une chemise rigide et un texte de Butor imprimé sur vélin (voir plus bas) ; dans un deuxième tiroir, deux chemises de carton contenant deux fois douze documents sur les USA et sur la genèse du kit, et, en vrac, une poignée d’objets divers ; dans un troisième tiroir, une dizaine d’objets divers.

Le coffret est comme une valise où le voyageur aurait serré, pour se souvenir ou pour le partager, tout un bric-à-brac glané dans ses pérégrinations étatsuniennes.

Photo de 3 sérigraphies de Monory [148]

Les sérigraphies de Jacques Monory se dégagent sur un fond bleu – le même bleu que celui de la boîte et celui des pages américaines de Boomerang.

Ce sont des montages de photos et de plans cinématographiques évoquant la vie et le décor américains.

Les planches, à la fois géométriques et réalistes, exhibent aussi le travail de composition et l’usage de procédés mécaniques, emblèmes du Nouveau Monde.

Le cahier rédigé par Michel Butor et tiré sur grand papier est bien plus qu’un catalogue des objets réunis dans le kit.

Il est composé de textes brefs qui, tantôt en prose tantôt en vers, sont autant d’amplifications libres à partir des images ou des objets du coffret, dûment désignés dans les intertitres.

Esquisses narratives, citations plus ou moins trafiquées, fantaisies documentaires et reportages poétiques nous invitent à naviguer des mots aux images et aux objets, faisant de la lecture un exercice dynamique et synesthésique.

Photos de listes manuscrites d’objets  [146]

Par-dessous les images de Monory et les mots de Butor, s’ouvre l’espace du bazar, du jeu et du kitsch – une surprise, mais, comme on voit, longuement préparée par diverses listes manuscrites.

Que ce soit des documents sur papier ou des objets de pacotille, ils offrent comme un concentré d’Amérique profonde :

la banalité de la vie quotidienne (un billet d’un dollar, un token du métro de New York, une canette de Coca Cola écrasée, un sachet de popcorn…) ;

des souvenirs historiques et patriotiques (déclaration d’indépendance, portraits des présidents des Etats-Unis, stickers, aigle brodé…) ;

des éléments de la légende américaine (photo de Patricia Hearst, portrait du chef indien Sitting Bull, avis de recherche pour meurtre…) ;

des souvenirs du voyageur (aérogramme, adaptateur électrique…).

Tout se passe comme si une appréhension naïve, par les choses, venait compléter la lecture des yeux et le travail de l’imagination.

Michel Jeanneret