Rainer Maria Rilke

Der Neuen Gedichte Anderer Teil

1920

1. couverture (1a) puis 1b image de la rose

En 1920, à Noël, Rainer Maria Rilke offre à Baladine Klossowska (1886-1969, mère du peintre Balthus et de l’écrivain Pierre Klossowski) ce volume de poèmes, qu’il signe et annote spécialement pour cette lectrice à part.

C’était alors le début d’une histoire d’amour qui allait lier les deux artistes jusqu’à la mort du poète en 1926.

Cet envoi autographe contient plusieurs pages annotées par Rilke, mais aussi une étonnante fleur séchée insérée à côté du poème « Das Roseninnere » [« L’intérieur de la rose »].

Le poème est difficile et hautement symbolique.

En voici le début, dans sa traduction française :

Où y a-t-il, pour cette intériorité / un dehors ? Sur quelle douleur / pose-t-on une telle gaze ? / Quel ciel se reflète / dans le lac intérieur / de ces roses ouvertes / et sans souci ? (…)
1. couverture (1a) puis 1b image de la rose

Baladine aurait-elle pu ajouter cette fleur à côté de ce poème hermétique ? Ou est-ce Rilke lui-même qui l’avait glissée au moment de l’envoi du volume ? On sait combien la rose occupe une place importante dans l’imaginaire poétique de Rilke.

En tout cas, cette fleur morte rétablit ici le lien avec la réalité concrète du poème, sa source première d’inspiration.

Pour sceller ce retour dans le matériel, l’ordinaire, le prosaïque presque, la plante est accompagnée d’une carte illustrée imprimée au début du XXe siècle peut-être par un marchand d’estampes et que l’on vendait parfois pour servir de sous-verre.

Celle-ci contient un texte didactique de botanique littéraire, bricolé avec quelques vers vaguement repris d’un poète du XVIIIe siècle (Evariste de Parny) et s’exclamant d’une manière quelque peu niaise que « depuis notre vieux Ronsard jusqu’au Gentil Bernard, et depuis ce dernier jusqu’à nous, combien de grands et de petits poètes ont chanté la rose ».

2. (page annotée)

A travers le volume on retrouve quelques annotations manuscrites à travers lesquelles on a l’impression que Rilke cherchait à orienter la lecture de sa dédicataire, à lui indiquer les conditions matérielles ayant précédé l’écriture.

En marge du poème « Falkenbeize » [« Fauconnerie »] il ajoute une référence historique « Un tractat [sic] de la chasse au faucon a été composé par l’empereur Frédéric II, un autre par Maximilien Ier » ; ailleurs, il replace un autre poème à contenu hautement symbolique « Der Ball » [« La Balle »] dans son contexte géographique : « jeu au bal [sic] observé aux Luxembourg ».

A la lumière de ces annotations, on peut supposer que la fleur séchée joue un rôle « explicatif » du même genre et qu’elle a été insérée par Rilke lui-même.

Radu Suciu