Aristote

Avicenne

Nicolaus Damasceus

Costa-Ben-Luca

Alexander Aphrodisiensis

Opera

XIIIᵉ s.

décoration du manuscrit, qui permet d’établir sa provenance : f. 38v

Au XIIIe siècle, époque de la confection de ce manuscrit, la diffusion massive des œuvres d’Aristote, ainsi que de leurs commentaires arabes et juifs, fait de l’œuvre du philosophe un foyer essentiel d’enseignement et de recherche.

Le manuscrit présenté ici, de provenance française, universitaire d’après sa décoration, contient un grand nombre d’œuvres d’Aristote, dont l’héritage scientifique avait été transmis par des Grecs (parmi eux, Alexandre d’Aphrodise et Nicolas Damascène) et des Arabes (dont Avicenne et Costa-Ben-Luca).

Après la Logica nova et avec l’Organon, toute l’œuvre philosophique d’Aristote devient peu à peu disponible, et dans le cas présent, c’est une part importante des traités consacrés aux sciences de la nature qui fait l’objet d’un cours universitaire.

Illustration : plat supérieur, zoom sur le trou.

Alors que les écoles antérieures étaient plus ou moins étroitement spécialisées, les facultés des arts au XIIIe siècle offre à leurs étudiants tous les enseignements des arts libéraux.

L’influence d’Aristote sur cette classification est décisive.

Au sein du trivium (Grammaire, Rhétorique, Logique) et du quadrivium (Arithmétique, Musique, Géométrie et Astronomie), l’importance relative de telle ou telle discipline fluctue.

L’aristotélisme, qui pénètre en France entre 1130 et 1160, va progressivement mettre les traités de logique (l’Organon) à la disposition de tous les maîtres ès-arts.

Il s’agit de forger l’homme lettré, sa capacité à résoudre n’importe quel problème au moyen d’un argumentaire exhibant une preuve.

Certaines portions du manuscrit, destiné à l’enseignement universitaire, sont émaillées de notes de cours.

La reliure, de facture ancienne, comporte un trou en haut du plat inférieur qui suggère que le volume a dû être enchaîné.

Les restes d’un fermoir de cuivre et de laiton quadrilobé, ciselé et les traces de cabochons disparus au centre et aux quatre coins, signalent qu’il s’agissait d’un objet de prix.

Illustration f.89r

Mais surtout, l’ensemble comporte d’abondantes notes marginales et interlinéaires aux f. 89r-111v.

Les ouvrages de la Physique, que nous avons ici, comprennent plusieurs traités touchant à l’histoire naturelle.

En 1255, la plupart sont déjà officiellement inscrits au programme de la faculté des arts de Paris.

L’enseignement se dispense alors en partant d’un ouvrage ou d’un texte.

De même qu’on commente l’Écriture en théologie, Justinien ou Gratien en droit, Hippocrate ou Galien en médecine, on commente Aristote.

Ces gloses sont des notes de cours très lisibles, qui expliquent la Physique (livres I-VIII) aristotélicienne, d’après une ancienne traduction de Jacques de Venise.

En marge du f. 89r, on lit une mention qui indique comment comprendre les prolégomènes du livre I de ce traité.

Illustration f. 122v, zoom sur la note marginale

Les notes sont de trois ordres: elles détaillent le contenu général du livre ou du corpus considéré, elles déplient ou désambiguïsent les aspérités du texte et enfin elles construisent une interprétation personnelle de l’œuvre.

Au f. 122v, une main a ajouté un fragment, en marge du texte, selon un système de renvoi orné d’une marque cruciforme (croix pattée).

Ce signe bien visible signale qu’un morceau du texte avait été malencontreusement escamoté.

Le copiste restitue le texte manquant et l’orne d’une frise architecturale.

Illustration f. 183

Les notes comportent des indices de cette « digestion » du texte de référence: f.

161r, à propos du livre II du traité Sur le ciel et le monde traduit par Gérard de Crémone, une main a ajouté : « Iam ostendimus et exposuimus per tractatus (…) » c’est-à-dire : « maintenant que nous avons exposé et présenté toute l’étendue de ce traité (…)» et plus loin, au f.

183r, à propos du livre IV de ce même ouvrage, on lit : « Volo docere nunc rem levem (…) » c’est-à- dire : « Je veux maintenant enseigner cette chose de peu d’importance (…) ».

Il s’agit sans doute des notes prises pendant le cours d’un maître ès arts, comme le révèle l’analyse codicologique du parchemin.

Illustration : verso du plat supérieur en entier.

Enfin, une feuille de parchemin, collée au verso du plat supérieur a fait l’objet d’une étude d’Élisabeth Pellegrin.

Cette feuille a sans doute été détachée d’un registre car elle porte une trace de numérotation (sexag (esima) nona : 69) et contient une liste des cours suivis en 1439 par un étudiant de la faculté des arts de Leipzig.

Le manuscrit se trouvait en effet dans cette ville depuis le début du XVe siècle au moins.

Cette feuille indique les textes d’Aristote qui ont été expliqués.

Le bachelier a noté l’énoncé des exercices sur lesquels il a planché : « poetria nova’le » (sans doute un exercice d’imitation poétique) ; « computum manuale » (calcul arithmétique à la main) ; « algorismus » (opération de calcul exponentiel).

Il n’a pas omis le nom de ses professeurs : Paul Busse de Hallis, alors vice-chancelier de la faculté des arts de Leipzig et plusieurs autres, dont le rang hiérarchique est spécifié.

Il note enfin (f. 251r, qui est découpé dans le bas et le bord extérieur) les dates des cours (début et fin) ainsi que le salaire payé aux maîtres.

Valérie Hayaert