Hippocrate

Opera omnia

1558

« De l’autre part ma librérie, helas, // Grecque, latine, espaignole, italique, // En me tassant d’un front melancolique, // Me dit que plus je n’adore Pallas ».

Possesseur d’une importante bibliothèque (en partie héritée de son oncle, puis enrichie par ses soins), Pierre de Ronsard (1524-1585) se plaisait en la compagnie de ces « bons hostes muets » que sont les livres.

On ne conserve plus à ce jour que quinze ouvrages lui ayant appartenu, reliquat d’un fonds bien plus vaste.

Cet échantillonnage permet néanmoins de prouver l’esprit curieux du poète, ouvert à tous les champs de la connaissance.

Cette grande édition bâloise des œuvres complètes du médecin grec Hippocrate de Cos, parue en 1558 avec un commentaire de l’helléniste allemand Janus Cornarius (1500-1558), n’était pas un cas isolé parmi les livres de Ronsard, qui possédait au moins quatre autres volumes de sciences naturelles ou de médecine, notamment le De re medica libri octo de Celse.

Retrouvé depuis peu, ce volume d’Hippocrate contient dans ses marges de nombreuses annotations autographes de son premier propriétaire.

Concentrées sur certains passages des livres I (« De Morbis popularibus »), II, IV et surtout VI, ces précieuses notes de lecture, plus ou moins développées (dont un commentaire renvoyant à Galien), dévoilent tout l’intérêt porté par le poète aux problèmes oculaires (« ad oculos »), fièvres tierce et quarte (« Quartana fœb. »), mais surtout à l’hydropisie et à ses symptômes (en premier lieu la surdité).

Né un mois de septembre, Ronsard se croyait sous l’influence de Saturne, dont découlaient un tempérament mélancolique et, conséquence de ce dérèglement des « humeurs », l’hydropisie.

Souvenir de sa lecture d’Hippocrate, Ronsard évoqua dans sa Responce… aux Injures et Calomnies… le remède contre la mélancolie suggéré par le médecin antique, à base de saignées « pour atirer et & evaporer l’humeur noir & melancolique, lequel sans relache vous tourmente & gaste le cerveau ».

Durant les six années suivantes, soignant son mal par une apaisante retraite en son prieuré de Saint-Cosme, il loua les bienfaits de cette salutaire vie champêtre, alors qu’à la Cour, « … le corps & le cuir & la veine // De l’hydropiq’ s’enfle comme un crapaut, // Se boufist toute & se jaunit… ».

Le régime alimentaire riche en fruits et légumes suivi par Ronsard pour éliminer la bile noire ne le protégea pourtant pas du mal qui le tortura cruellement pendant les dernières années de sa vie : la goutte.   

Nicolas Ducimetière