Pierre de Ronsard

La Franciade

1572

Juriste de formation, officier de profession, le gentilhomme savoyard Jean de Piochet (1532-1624) cultiva, sa vie durant, un amour profond pour la poésie, érigeant sur un piédestal le « Prince des Poètes » d’alors : Ronsard.

S’étant procuré la majeure partie des œuvres de son idole, il en fut un lecteur, mais aussi un annotateur assidu, truffant ses exemplaires de gloses marginales (ici dans le volume des Odes du Vendômois) et allant jusqu’à recueillir et compiler les vers éliminés par le poète au fil des éditions.

Ces notes, fort précieuses, ont permis non seulement d’en apprendre plus sur les circonstances d’écriture de certaines pièces, mais aussi de sauver un poème ronsardien demeuré inédit jusqu’en 1985.

Il ne fait guère de doute que Jean de Piochet aurait souhaité connaître le même parcours que son cousin et ami Marc-Claude de Buttet (qui l’appelait « mon autre moy ») : la « montée » à Paris, la rencontre et la familiarité avec les plus grands poètes français (en premier lieu Ronsard), l’impression et le succès de ses vers.

Mais ses devoirs familiaux et officiels (il fut nommé capitaine de la ville de Chambéry en 1569) l’empêchèrent de suivre cette fois.

Toutefois, en janvier 1577, lors d’un séjour (peut-être unique) à Paris, il put faire l’acquisition des œuvres complètes de Ronsard, dans l’édition in-quarto de 1567, complétée de divers volumes isolés (notamment l’édition originale de La Franciade, grand poème épique à la gloire de la monarchie, paru en 1572).

Dans ce dernier volume comme dans les autres, Piochet laissa de nombreuses additions manuscrites pour commenter un vers, citer les sources mythologiques, antiques ou italiennes du poète, livrer des explications sur les circonstances historiques de l’écriture, indiquer des leçons antérieures à celles imprimées ou rajouter des vers d’autres provenances, voire de sa propre invention.

Ainsi célébra-t-il l’impression de la Franciade, dans un quatrain dithyrambique imité d’un célèbre vers des Elégies de Properce :

« A l’arrivee de la grand’ franciade Place Romains, place Escrivains Gregeoys Voicy venir devers le Vandomyos Je ne sçay quoy plus grand que l’Illiade ».

La rédaction de ces notes, tracées avec des encres différentes, s’attela sans doute sur des années : certains passages, d’une écriture tremblée, datent sans doute des dernières années de la vie de Piochet.

Le bibliophile savoyard pratiqua également le truffage, intégrant à ses exemplaires des gravures ou des extraits d’autres livres et plaquettes, préalablement réemmargés.

Nicolas Ducimetière