Pétrarque

Canzoniere & Triumphi

fin du XVᵉ s. 

Illustr. 1(une page de texte)

L’essentiel de l’oeuvre de Pétrarque est en latin.

Ce manuscrit rassemble ses deux recueils de poésie en italien : le fameux Canzoniere – les vers d’amour adressés à Laure – et les Triumphi – une longue fresque historique, tombée aujourd’hui dans l’oubli.

Au moment où est produit ce manuscrit (fin du XVe siècle), l’imprimerie existe déjà ; mais on a voulu honorer une œuvre exceptionnelle, et probablement un commanditaire exceptionnel, par un livre superbe, magnifiquement calligraphié.

Le copiste, qui est aussi, très probablement, l’illustrateur, un certain Bartolomeo Sanvito de Padoue (1438-1512), choisit une mise en page et une graphie monumentales, comme on fait pour reproduire les grands classiques.

Il déploie un luxe d’ornements dont l’imprimerie – technologie rivale et impersonnelle – n’est pas capable : diverses couleurs – voyez surtout les ors et les bleus -, des initiales chamarrées, des motifs décoratifs, où il semble s’inspirer des grotesques à l’antique, récemment découvertes à Rome.

Trois enluminures en pleine page ajoutent encore à la splendeur du manuscrit.

Illustr. 2 (image pleine page avec arbre au centre)

La première illustration réunit en un tableau synoptique quelques grands thèmes de l’aventure poétique et amoureuse de Pétrarque.

Celui-ci, avec un livre, une plume et la couronne du poète lauréat, fait face à Apollon, le dieu musicien et patron des artistes.

Au-dessus, le mont Hélicon, sur lequel le cheval Pégase fait jaillir l’eau du rocher – la source Hippocrène, repère des Muses et lieu de l’inspiration artistique.

Au centre, une femme a été métamorphosée en laurier : elle est à la fois la Daphné du mythe, aimée d’Apollon, et la Laura du Canzoniere, aimée de Pétrarque, symbolisant ainsi l’affinité entre le dieu des arts et le poète, amoureux l’un et l’autre d’une femme dont le nom désigne le laurier.

Caché dans l’arbre, Amour lance sa flèche sur Pétrarque.

Derrière ce dernier, on reconnaît Avignon où il a rencontré Laure et les montagnes du Vaucluse où il a séjourné ; la ville de gauche est Rome, reconnaissable au Colisée ; c’est pour Pétrarque la reine des villes, la capitale du monde.

Les armoiries au pied du tableau sont celles d’un évêque, probablement le commanditaire du manuscrit, qui n’a pas été identifié.

Illustr. 3 (image pleine page avec maison au centre)

Une deuxième image se limite, elle, à illustrer une chanson du Canzoniere (n° 323), « Standomi un giorno solo a la finestra… », qui raconte comment le poète, regardant de sa fenêtre, voit se dérouler six scènes violentes et macabres.

Ces catastrophes, qui semblent annoncer la mort de Laure, le plongent dans le désespoir.

Le poème fournit le meilleur commentaire de cette série de visions.

En résumé :

Un animal au visage humain est chassé par deux lévriers, un noir et un blanc, qui le tuent et déjà le tombeau se ferme sur lui ;

Une tempête pousse une nef, construite d’ébène et d’ivoire, contre un rocher, et c’est le naufrage ;

La foudre frappe un laurier, qui s’effondre ;

Au pied du bosquet coule une source, soudain engloutie dans un gouffre ;

Un phénix, voyant ce désastre, se donne la mort ;

Une gracieuse dame vêtue de blanc est piquée au pied par un serpent ; elle a la tête enveloppée de brume et va mourir.

Michel Jeanneret