1805
1821
1891
Diderot avait eu tant d’ennuis avec la censure – la prison pour sa pensée matérialiste, des ennuis sans fin dans la publication de l’Encyclopédie – qu’il ne souhaitait pas diffuser son Neveu de Rameau (entre 1763 et 1773), une satire insolente, fantasque, qui s’en prenait à des personnalités encore vivantes.
Après sa mort, des manuscrits circulent, parfois tronqués.
L’un d’eux, aujourd’hui disparu, arrive, par l’intermédiaire de Schiller, entre les mains de Goethe, qui en publie une version allemande en 1805 – celle-là même qu’utilise Hegel dans sa Phénoménologie de l’esprit (1807).
Lorsque le dialogue paraît en français en 1821, présenté comme si c’était l’original, il s’agit en fait d’une traduction de la traduction – un texte où Diderot, Goethe et les traducteurs de Goethe ont tous mis la main.
D’autres éditions, fondées sur telle ou telle copie, sont publiées au cours du XIXe siècle, toutes différentes.
Il faut attendre, pour le dénouement, qu’un chanceux bibliophile découvre en 1891, chez un bouquiniste du quai Voltaire à Paris, le manuscrit autographe du Neveu et en fournisse l’édition, enfin correcte, qui désormais fait foi.
Le portrait que les éditeurs de 1821 placent en frontispice propose lui aussi une interprétation très libre.
Le Neveu, coiffé du bicorne – le chapeau des soldats de la Révolution – et brandissant son archet comme une épée, est assimilé à l’un de ces fomentateurs de troubles qui, à la fin de l’Ancien Régime, préparaient la chute de la monarchie.
Michel Jeanneret