Livre d’Esther

XVᵉ s.

Spiegel der Welt, I, p. 68

Un rouleau est une suite de feuilles de papyrus, de parchemin, de papier…, collées ensemble puis, d’ordinaire, fixées sur une baguette.

Il est organisé en colonnes qui apparaissent au fur et à mesure que d’une main on le déroule, tandis que, de l’autre, on l’enroule.

De l’Egypte antique, ce format est passé en Grèce vers le VIIe siècle avant J.-C. ; il a été, pour les textes d’une certaine longueur, le seul support jusqu’à l’invention du codex – un paquet de pages reliées ensemble, mis au point par les Latins au Ier siècle de notre ère.

Le livre tel que nous le connaissons, d’un maniement plus commode, s’imposera désormais et le rouleau tombera en désuétude.

Il connaîtra pourtant quelques résurgences : ainsi le tapuscrit de On the Road de Jack Kerouac, ou le défilement de texte sur les écrans d’ordinateur.

Il survivra surtout dans la tradition juive, pour la transmission des livres sacrés.

Si possible une autre photo du rouleau

Le livre biblique d’Esther a été copié ici, dans sa version originale en hébreu, sur un rouleau, qui date du XVe siècle.

Le choix du support peut surprendre, puisque depuis longtemps le codex a alors remplacé le volumen.

Il y a là un parti pris anachronique, mais chargé de sens, qu’il faut expliquer.

Le livre d’Esther raconte comment les Juifs, captifs de l’empire persan et menacés d’extermination par le traître Haman, ont été sauvés grâce à l’habileté d’Esther et de Mardochée.

Symbole de la résistance et de la victoire possible contre les persécutions, ce récit joue un rôle privilégié dans le rituel juif : il est au cœur de la fête de Purim, où on le lit, à la synagogue ou à la maison, et justement, sur un rouleau.

L’usage cérémoniel du rouleau, d’âge en âge, est donc une façon de renouer avec une pratique ancestrale et de perpétuer, sous la même forme, le même message.

Lire dans un livre imprimé et lire sur un rouleau manuscrit, ce sont des expériences toutes différentes.

Le texte demeure le même, mais sa signification et son impact changent : le medium, c’est le message.

Michel Jeanneret