Alphonse de Lamartine

Les Visions

v. 1824-1826; v. 1851

A la manière de Goethe avec son Faust, Alphonse de Lamartine (1790-1869) ambitionnait de composer une vaste fresque exposant sa conception du monde : Les Visions

Ce projet, initié dans la seconde moitié des années 1820, fut toutefois rapidement abandonné, Lamartine ne parvenant pas à réunir ses compositions éparses en un tout cohérent

Pour autant, il ne renonça pas à la publication de ces vers, mais il s’écoula près de trente ans avant qu’ils voient enfin le jour : occasion pour Lamartine de les relire, de les corriger… et de les amputer

Constituant à l’origine quinze feuillets d’un carnet de notes, ce manuscrit du chant II des Visions fut sans doute été écrit vers 1824-1826

Si d’autres fragments du poème ont été publiés, au fil des années, dans Jocelyn (1836) et La Chute d’un Ange (1838), ce chant demeura lui inédit durant de longues années. 

Pour autant, Lamartine ne s’en était pas désintéressé, comme le prouvent à l’évidence les assez nombreuses corrections et ratures, manifestement écrites à des époques et avec des plumes différentes

Ce travail de reprise pouvait aussi bien se manifester par la réécriture d’un vers entier ou par le remplacement d’un simple adjectif : par exemple, « L’horizon n’avoit plus que les couleurs du deuil » se transforma en « L’horizon n’étoit plus que solitude et deuil »

Plus loin, voulant figurer Eloïm en proie au doute, Lamartine employa tour à tour quatre adjectifs, barrés les uns après les autres, pour s’arrêter finalement sur « interdit »

Le feuillet 9, quant à lui, montre le polissage d’un portrait de prophète, dont la description a été beaucoup retravaillée, avec ratures et ajouts interlinéaires.   

Ce n’est qu’en 1851 que le poème ainsi corrigé vit le jour au sein du recueil Les nouvelles Confidences

Corrigé, mais aussi amputé : la version imprimée s’achevait sur trois lignes pointillées, une technique éditoriale déjà employée par Lamartine dans le passé pour symboliser des passages supprimés ou soi-disant perdus. 

Faute d’avoir eu accès au présent manuscrit, l’éditeur critique des Visions se demanda, en 1937, si le poème était réellement demeuré inachevé, sans pouvoir répondre à cette question et en avouant : « Du manuscrit de ce deuxième Chant, nous ne savons rien, absolument rien »

Il ne semble pas que la conclusion supprimée du poème, dix vers au total, ait depuis été publiée :

«Le long des bords Penchants de cette Eau transparente Que des brises du soir ridoit l’haleine errante Un sentier naturel égarant ses détours Des anses de ce lac suivoit les doux contours ; Quelques Chênes épars de distance en distance De leurs larges [barré : rameaux] y jettoient l’ombre immense ; Ou des flancs des rochers penchant leurs verts rameaux Livroient leur feuille humide à l’écume des eaux, Les pas en s’enfonçant sous leur mobile voute Remontoient descendoient avec l’étroite route.»

Nicolas Ducimetière