Michel Butor

Boomerang

env. 1976

[Trois pages de brouillon autour des couleurs] [145]

La savante géographie de Boomerang (1978) donne à l’Australie une place privilégiée.

Mais le voyage de la lecture déborde vers d’autres contrées, un peu partout, au gré d’un texte labyrinthique où se croisent, en un montage vertigineux, des paysages, des peuples, des traditions.

Mais Michel Butor soumet cette matière bariolée à une géométrie rigoureuse et complexe.

Les chapitres sont emboîtés les uns dans les autres, les pages, par endroits, se partagent en deux et surtout un jeu de couleurs distingue les régions.

Rouges, bleus ou noirs, 29 blocs de 16 pages chacun se répartissent autour d’un pivot central.

Pour distribuer les couleurs selon un ordre signifiant, Butor couvre des pages et des pages de notes, de schémas, de calculs, de grilles, d’où se dégage peu à peu la structure du livre.

Nous le surprenons ici dans son atelier, alternant entre ivresse numérique et rigueur architecturale.

[La double page 32-33 de l’édition + 2 pages de brouillon] [163]

Nous sommes ici au début de « Bicentenaire kit », la partie américaine de Boomerang, imprimée en bleu.

Cette première page, dans la version imprimée, est divisée en quatre : la tombée de la nuit à Philadelphie ; la tombée de la nuit à Flagstaff ; une description du kit ; la famille du meurtrier.

Des refrains (« blues ») et des effets graphiques scandent ce prélude.

Des dizaines de pages de brouillons et de tapuscrits raturés (Michel Butor en a conservé beaucoup, sans doute pas tous) témoignent d’une gestation lente et tâtonnante, particulièrement attentive à la distribution des masses et à la recherche des rythmes.

A juger par les esquisses, cette ouverture devait commencer par Flagstaff ; elle commencera finalement par Philadelphie, ajouté à la main sur la page tapée à la machine.

Les manuscrits montrent aussi que certains passages sont conçus comme des vers : distinction conservée, dans l’imprimé, par les barres obliques des passages sur Flagstaff et sur le meurtrier.

Michel Jeanneret