Le lecteur n’existe pas.
Pas plus que « l’homme », « la femme » ou « l’animal ».
Il n’y a que des hommes, des femmes, des gouines rouges et des viragos vertes, des chattes, des gazelles, des mésanges et des fourmis.
Toutes multiples et toutes (un peu) différentes.
C’est justement cette multiplicité de différences que l’activité de lecture nous aide à affronter, pour apprendre à nous y repérer et à nous en enrichir.
Son étymologie latine (legere) désigne en effet le travail du choix, de la cueillette, de la sélection et de l’élection.
Lire, c’est élire un sens possible parmi les significations potentiellement esquissées par le texte.
L’œuvre de la lecture consiste donc d’abord à construire une interprétation toujours (un peu) personnelle, où notre personne singulière se découvre au contact d’un texte singulier.
Pour parcourir quelques-uns des enjeux actuels de cette activité de lecture, en voie d’être reconfigurée par la numérisation des supports, nous nous laisserons d’abord guider par un célèbre lecteur à l’œuvre, exemplaire par sa revendication même de singularité.
Parmi les très nombreux passages des Confessions où Jean-Jacques Rousseau raconte ses expériences de lecture, trois moments sont particulièrement suggestifs.
Ils mettent en lumière trois gestes essentiels qui sont au cœur de l’activité de lecture, telle qu’elle a été de plus en plus largement pratiquée par les humains au cours des trois derniers siècles (Citton 2012)1.
1Ce texte a profité des suggestions de -Emily -Apter, Thierry Bardini, François-Ronan Dubois, -Aurélien Gamboni, Michel Jeanneret, Frédéric Kaplan, Martial Poirson – que je -remercie sincèrement, mais qui ne sont bien entendu nullement responsables de son contenu final.
Les premiers souvenirs que Rousseau, si fortement avide d’immédiateté, a de lui-même lui viennent de la médiation des livres : « J’ignore ce que je fis jusqu’à cinq ou six ans.
Je ne sais comment j’appris à lire ; je ne me souviens que de mes premières lectures et de leur effet sur moi : c’est le temps d’où je date sans interruption la conscience de moi-même » (Rousseau 1782 : 32).
Or cette conscience de soi s’avère dès l’origine occupée (au sens quasi-militaire du terme) par l’invasion des personnages dont la lecture nous raconte l’histoire : lisant avec son père, à l’âge de sept ans, les romans hérités de sa mère, il se trouve tellement absorbé par les fictions qu’il « passe les nuits à cette occupation », incapable de quitter l’ouvrage avant la fin du volume, jusqu’à ce qu’avec le son des hirondelles, son père avoue : « je suis plus enfant que toi » (Rousseau : 32).
Quelques mois plus tard, passant des romans de la mère aux livres d’histoire romaine hérités du grand-père, l’expérience d’immersion narrative prend une intensité autrement plus inquiétante : en lisant Plutarque,
je devenais le personnage dont je lisais la vie : le récit des traits de constance et d’intrépidité qui m’avaient frappé me rendait les yeux étincelants et la voix forte.
Un jour que je racontais à table l’aventure de Scaevola, on fut effrayé de me voir avancer et tenir la main sur un réchaud pour représenter son action. (Rousseau : 34)
On dénoncerait sans doute aujourd’hui dans le jeune Jean-Jacques les funestes effets aliénants d’une pratique excessive des jeux vidéo.
L’Astrée, Plutarque, Nintendo : même entreprise de colonisation des esprits et des comportements.
Comme l’esclave de la console et du joystick, ce lecteur à l’œuvre apparaît dès 1719 comme la victime d’une immersion qui envahit sa subjectivité et aliène son identité propre dans la puissance colonisatrice propre à la médiation.
Le fils de l’artisan genevois se perd dans la narration, comme on dit du sens d’une phrase qu’il est perdu dans la traduction (Lost in Translation).
Quelques années plus tard, à l’âge de quinze ans, (in)soumis à la tyrannie de son maître d’apprentissage, Jean-Jacques est saisi d’une « fureur » de lire qui fait de lui le meilleur client de la « fameuse loueuse de livres » répondant au nom de La Tribu.
Pour fuir l’aliénation imposée par un emploi abrutissant, il prend le parti d’une contre-aliénation le conduisant à se détourner du monde réel pour se complaire dans des mondes de fictions : ce parti-pris est celui de
se nourrir des situations qui m’avaient intéressé dans mes lectures, de les rappeler, de les varier, de les combiner, de me les approprier tellement que je devinsse un des personnages que j’imaginais, que je me visse toujours dans les positions les plus agréables selon mon goût ; enfin que l’état fictif où je venais à bout de me mettre me fît oublier mon état réel, dont j’étais si mécontent.
Cet amour des objets imaginaires et cette facilité de m’en occuper achevèrent de me dégoûter de tout ce qui m’entourait. (Rousseau : 68)
Si l’immersion identificatoire domine encore cette phase (devenir le personnage), l’imagination active et inventrice est cette fois au pouvoir – l’invention consistant essentiellement à recombiner des éléments imprimés par des lectures antérieures.
Ce geste de recombinaison aura deux effets notoires, qui vont régir toute l’œuvre ultérieure de l’écrivain.
D’une part, l’aliénation originelle dans et par les livres fait ici l’objet d’une « réappropriation » : quoique chantre de l’immédiateté et de l’authenticité originelle, Rousseau sait très bien que notre matériau constitutif nous vient des médiations sociales qui nous traversent.
Nous ne devenons nous-mêmes que dans la mesure où nous parvenons à nous réapproprier ce qui a commencé par nous aliéner (irrémédiablement).
D’autre part, la capacité à imaginer des réalités inexistantes (nous dirions aujourd’hui « des mondes possibles ») est essentielle à la désaliénation politique des êtres sociaux : l’effet émancipateur des « divertissements » fictionnels nous faisant rêver d’un monde meilleur tient à ce qu’ils nous « dégoûtent de ce qui nous entoure ».
Dans le Discours sur l’origine de l’inégalité, dans La Nouvelle Héloïse, dans le Contrat social, dans l’Émile, Rousseau imaginera (et nous fera imaginer) des « chimères » nous conduisant à condamner les faits tristement observés dans le monde qui nous entoure, grâce à la lumière d’une réalité doublement -« -virtuelle » – au sens d’inexistante (parce que non encore actualisée, quoique déjà envisageable comme possible), mais aussi au sens de -supérieurement vertueuse.
Avec les livres de La Tribu, et grâce à la réappropriation permise par la recombinaison imaginative, le lecteur Jean-Jacques est à l’œuvre d’une façon simultanément subie et encapacitante : subie, puisque son avidité tient de la fureur, puisqu’il se complaît dans des mondes imaginaires (ici encore comme les futures « victimes » des jeux vidéo) ; mais encapacitante, puisqu’il se donne ainsi les moyens d’œuvrer à la construction effective d’un autre monde possible – nos institutions démocratiques, nos pratiques éducatives, nos aspirations sentimentales actuelles résultant en partie des réalités virtuelles mises en scène dans les pages de ses divers ouvrages.
Dix ans après les livres de La Tribu, alors qu’il a vingt-cinq ans dans ce lieu enchanteur que sont pour lui les Charmettes, Rousseau se plonge dans les ouvrages savants tirés de « la boutique d’un libraire appelé Bouchard ».
Il n’est plus question ici de devenir le personnage d’un récit, mais de se constituer un fonds de principes et de connaissances.
Et pourtant, c’est une troisième expérience d’aliénation qui décrit le travail de ce -lecteur à l’œuvre :
en lisant chaque auteur, je me fis une loi d’adopter et suivre toutes ses idées sans y mêler les miennes ni celles d’un autre, et sans jamais disputer avec lui.
Je me dis : « Commençons par me faire un magasin d’idées, vraies ou fausses, mais nettes, en attendant que ma tête en soit assez fournie pour pouvoir les comparer et choisir.»
Cette méthode n’est pas sans inconvénient, je le sais, mais elle m’a réussi dans l’objet de m’instruire.
Au bout de quelques années passées à ne penser exactement que d’après autrui, sans réfléchir pour ainsi dire et presque sans raisonner, je me suis trouvé un assez grand fonds d’acquis pour me suffire à moi-même, et penser sans le secours d’autrui. (Rousseau : 284-285)
Annonçant déjà l’expérience de dépersonnalisation que Maurice Blanchot mettra au cœur de sa conception de la lecture, Rousseau ne devient penseur (original s’il en est) qu’en acceptant de ne pas penser (par soi-même) en lisant.
La bonne méthode de lecture (qu’on ait sous les yeux Spinoza ou -L’Astrée) exige d’accepter d’abdiquer son identité en se plongeant corps et âme dans les pages de l’œuvre : qu’elle soit vécue sur le mode du divertissement ou de l’ascèse, la lecture passe par une perte du soi originel (Lost in Reading), par un accueil en soi de l’étranger le plus radical (Alien), par l’acceptation inconditionnelle d’un occupant face auquel on suspend par convention tout sens critique (Willing Suspension of Disbelief).
Les livres savants tirés de la boutique de Bouchard définis-sent l’œuvre du lecteur d’une façon éminemment paradoxale.
Le but visé est de « s’instruire » et d’arriver à « penser sans le secours d’autrui », c’est-à-dire de se construire une personnalité à la fois socialisée et individuée.
Le dispositif utilisé à cette fin consiste toutefois à effacer à la fois sa propre personnalité et le principe commun de rationalité critique qui devrait nous servir à discriminer le bon du mauvais.
Rousseau dépeint le lecteur à l’œuvre comme suspendant toute faculté de jugement – ou plutôt comme la déplaçant d’une attention portée au contenu substantiel de l’œuvre vers une attention portée à sa consistance formelle : peu importe que les idées soient « vraies ou fausses », tout ce qui compte, c’est qu’elles soient « nettes ».
Le jugement se décale des questions de justice vers des problèmes de justesse.
La lecture véritablement instructive n’est pas tant celle qui nous remplit du Bien et du Vrai (conjugués au singulier) que celle qui nous permet d’envisager la pluralité des faces de tout problème.
Nous ne pouvons parvenir à penser sans le secours d’autrui qu’après avoir incorporé les multiples points de vue élaborés par autrui dans nos façons de penser, ce qui exige de s’astreindre – durant le travail de lecture – à « ne penser exactement que d’après autrui, sans réfléchir pour ainsi dire et presque sans raisonner ».
On voit s’esquisser ainsi la continuité unissant ces trois gestes d’aliénation par la lecture mis en scène dans les Confessions.
Dans les trois cas, le lecteur est appelé – par immersion – à devenir autre que lui-même : le personnage d’une histoire déjà écrite (Mucius Scaevola), le héros d’une jouissance imaginaire qu’il recombine avec la complaisance de la chimère (Saint-Preux), un système conceptuel dont il absorbe la netteté logique, fût-ce pour mieux ensuite en dénoncer les insuffisances (Hobbes).
Le lecteur à l’œuvre travaille donc bien, dans les trois cas, à son aliénation.
Les critiques à l’esprit étroit n’ont pas tort de suspecter un germe de folie au cœur d’une telle aliénation : hier la lecture des romans et des philosophes sulfureux, aujourd’hui les jeux vidéo et les facilités du copier-coller sont bel et bien des formes de perte de soi.
L’œuvre de la lecture ressemble en effet à une œuvre de dépersonnalisation, dans la mesure même où elle est une œuvre de multiplication de nos personnalités.
On le disait pour commencer, le lecteur (conjugué au singulier) n’existe pas : chaque lecteur, du simple fait que son esprit se trouve occupé par la réalité virtuelle du livre qu’il a (eu) sous les yeux, est/a en lui-même une multiplicité de lecteurs qui l’habitent et le hantent.
Les trois gestes d’immersion simultanément aliénante et émancipante observés chez Rousseau suffisent déjà à l’indiquer : la lecture n’existe pas.
Les lectures immersives analysées à l’instant sont différentes des lectures critiques pratiquées par le polémiste, qui différent elles-mêmes des lectures interprétatives élaborées par l’exégète, auxquelles ne ressemblent guère les lectures informatives dont font l’objet nos courriels ou nos manchettes de journaux.
Cette diversité de modes de lecture a bien entendu des composantes individuelles, mais elle résulte d’abord de la structuration médiatique de notre attention collective.
Ce qui traverse et nourrit nos esprits (débats sur les politiques d’austérité, menaces « terroristes », guerre lointaine, mariage princier, film à succès, fait divers, réchauffement climatique) relève d’une circulation transindividuelle dont nous sommes bien davantage les vecteurs que les agents.
C’est donc en termes de régimes d’attention qu’il convient d’analyser les différents modes de lecture actuellement à l’œuvre entre nous – régimes constitutifs de notre « intelligence » collective, à entendre ici très concrètement comme résultant de la façon dont nous nous lisons et élisons les uns les autres (inter-legere).
Le champ d’études qui émerge actuellement au titre de l’économie de l’attention remonte dans le temps aussi loin que les premiers traités de rhétorique (Lanham 2006).
Capter l’écoute d’un auditoire, la soutenir par des effets de manche ou de suspens, l’orienter vers tel ou tel élément d’un dossier judiciaire, voilà l’agenda quotidien de tout avocat et de tout rhéteur.
Si ce sont aujourd’hui les publicitaires, les marketeurs et les managers qui rédigent les traités les plus répandus sur l’économie de l’attention, ils ne font souvent que réinventer des catégories implicitement ou explicitement inscrites dans un savoir pratique multiséculaire, que tout sujet parlant a eu l’occasion de développer par tâtonnement.
Au sein des industries actuelles de l’attention, Dominique Boullier propose de distinguer trois grands régimes.
Le régime de la fidélisation, illustré par le fichier clients et le Consumer Relationship Management, cherche à établir une relation stable basée sur l’écoute réciproque, dans le long terme, entre une firme (identifiée par une « marque ») et ses consommateurs, rassurés par l’attention qu’on fait mine de leur prêter.
Le régime de l’alerte, au lieu de viser la stabilité du long terme, repose au contraire sur « l’intensité des émotions et des stimulations de toute sorte », en une « excitation permanente » reposant sur le priming, c’est-à-dire sur l’enregistrement de couches superficielles de marqueurs diffus, auxquels on reste attentif comme de loin et de façon virtuelle, mais que l’on pourra mobiliser rapidement lorsqu’un stimulus viendra en activer la pertinence.
Après avoir déstabilisé les principes de la fidélité, ce régime de l’alerte est aujourd’hui confronté à un zapping généralisé et à une « réduction tendancielle du taux d’attention à une suite de flash », qui en sape les bases.
D’où l’émergence d’un troisième régime caractérisé par l’immersion dans un mode d’existence virtuel, illustré par les jeux vidéo, où « l’attention est synonyme d’une absorption totale dans cette autre existence », mais où « c’est notre action et notre action focalisée qui font tenir ce monde, qui n’est plus représentation mais énaction » (c’est-à-dire action vécue de l’intérieur, par empathie, plutôt qu’observée de l’extérieur) (Boullier 2009 : 239, 242, 244 ; voir aussi Grau 2003).
Davantage que comme des régimes successifs qui se remplaceraient au fil de l’évolution historique, fidélisation, alerte et immersion sont plutôt à concevoir comme trois modes de production de l’attention coexistant à chaque époque.
Dans leur dimension critique emblématisée par le Dictionnaire de Bayle, les Lumières apparaissent certes comme une énorme entreprise d’ébranlement du régime de fidélisation censé caractériser les siècles précédents.
À travers les machines de guerre que furent sa correspondance et ses innombrables pseudonymes, un Voltaire a su mobiliser avec brio les ressources de l’alerte.
Les extraits des Confessions évoqués ci-dessus montrent toutefois que l’immersion n’a peut-être jamais été aussi puissante qu’à l’époque prétendument rationaliste d’un siècle où l’on a cultivé abondamment le goût des larmes, à la lecture des romans comme dans les salles de spectacle.
Quant à l’adulation dont a fait l’objet la personne du Citoyen de Genève, remarquablement parallèle avec sa hantise du complot et sa revendication d’intégrité existentielle, elle suffit à indiquer le potentiel de fidélisation qui est sans doute à l’horizon de toute prise de parole personnalisée.
Plus généralement, les régimes d’attention pratiqués par chacun de nous au sein de nos gestes relationnels varient selon les occasions et mobilisent en proportions variables les grands modèles abstraits décrits par les analystes.
Est-ce à dire pour autant que l’économie de l’attention constitue un substrat transhistorique, dont nous ne faisons périodiquement que redécouvrir les mêmes règles de base, ancrées dans les principes élémentaires de la phénoménologie ou de la psychologie individuelle ? Rien n’est moins sûr.
Tout suggère au contraire que l’avènement du numérique nous situe à un point de basculement majeur, dont nous ne pouvons encore qu’entrevoir les conséquences profondes.
Aux trois régimes d’attention identifiés ci-dessus par Dominique Boullier, l’observation de certains lecteurs à l’œuvre pourrait en ajouter un quatrième, qui aide à rendre compte de la façon dont, comme on vient de le voir à travers l’exemple de Rousseau, nous constituons notre identité en y incorporant ce dans quoi nous avons antérieurement aliéné notre attention.
Ce quatrième régime est celui de l’interprétation, qui concentre l’attention sur un objet extérieur (phénomène naturel, discours, image, narration, œuvre d’art), dont l’interprète tente d’épouser les contours les plus fins de façon à en tirer un sens qui l’aide à se repérer dans son devenir personnel – ce qui implique un effort inventif pour combler la distance entre ce qui lui est le plus proche (son existence personnelle) et ce qui en est le plus lointain (les caractéristiques les plus étrang(èr)es de l’objet interprété) (Citton 2010).
Le régime attentionnel caractéristique de l’interprétation recombine de façon originale différents aspects des trois régimes déjà mentionnés (fidélisation, alerte, immersion).
Le bon interprète – dont le modèle a été donné plus haut par le Rousseau des Charmettes occupé à se constituer son magasin d’idées incorporées par la lecture des livres du libraire Bouchard – doit apprendre à s’aliéner dans une fidélité sans retenue au texte qu’il étudie : en ce sens, toute interprétation relève de l’exégèse d’un texte sacralisé, dont on érige par postulat l’auteur en position d’Autorité (Aristote, la Bible, Galien, le Prophète) face à laquelle le lecteur suspend (provisoirement) tout jugement critique.
Le régime attentionnel de l’interprétation exige également de son praticien un état d’alerte permanent et illimité : dès lors que c’est dans les détails les plus infimes et apparemment les plus insignifiants du texte que se cache la vérité profonde qu’il recèle, rien ne peut être « négligé » (au sens étymologique de neg-legere : ne pas (é)lire), tout doit être suspecté, interrogé, creusé, retourné, admiré, en un travail de sensibilisation proprement infini.
Enfin, dès lors que, par postulat d’autorité et d’infaillibilité, le texte est décrété porteur d’une vérité non-obvie, que l’interprétation a précisément pour tâche de révéler, l’herméneute est invité à s’immerger corps et âme dans la logique interne d’un objet censé contenir en lui-même de quoi résoudre ses contradictions apparentes.
Du point de vue de l’activité des lecteurs et des lectrices, une des transformations les plus intéressantes qu’a connues la modernité a consisté à voir le régime d’attention très particulier de l’interprétation textuelle se déplacer depuis les objets juridiques et religieux vers le double champ des objets progressivement identifiés comme « scientifiques » et comme « esthétiques ».
Depuis la fin du XVIIe siècle jusqu’à la fin du XXe, la montée en puissance de ce que nous sommes habitués à reconnaître comme « la littérature » relève moins d’un nouveau mode d’écriture des textes que de la mise en place d’un certain nombre de rituels régissant leur lecture interprétative.
Dès 1714, dans Le chef d’œuvre d’un inconnu, le satiriste Thémiseul de Saint-Hyacinthe se moquait de la pratique consistant à sacraliser un ridicule poème amoureux comme si ses détails les plus insignifiants devaient nous ouvrir la porte du paradis ; le souci philologique, porté à son paroxysme par les classicistes des universités allemandes puis par les praticiens de la critique génétique, contribue autant à sacraliser la touche propre à l’auteur qu’à la démystifier ; l’exercice scolaire de l’explication de texte, généralisé par l’accès au baccalauréat de plus de la moitié d’une classe d’âge, vulgarise la pratique de l’exégèse textuelle au sein des masses, à un degré inimaginable à aucune période antérieure.
Avec un bon siècle de décalage sur l’accès quasiment universel à la lecture rendu possible grâce aux progrès de l’alphabétisation, c’est l’accès de très larges couches de nos populations européennes aux pratiques de l’interprétation textuelle qui caractérise la -« littéracie » propre aux dernières décennies du XXe siècle.
De nombreuses voix se font entendre autour de nous pour craindre que cette montée progressive de l’exégèse littéraire au cours de la modernité ne soit aujourd’hui en train de se retourner en une chute aussi spectaculaire que précipitée – générant un flot de lamentations sur « la mort de la littérature », « l’évaporation de l’esprit critique » ou « l’effondrement de la culture du livre ».
Pour le dire en deux mots – puisque, précisément, les régimes d’attention actuellement dominants exigent de tout couper au plus court – le début du troisième millénaire se caractériserait par un quadruple -étranglement voué à rendre rapidement obsolète la figure même d’un -« lecteur à l’œuvre ».
D’une part, la « littérature » est en train d’être asphyxiée par des objets communicants plus rapides et plus immédiats (photos, vidéos, sms, Twitter), tous balancés sur internet à la vitesse de la lumière.
D’autre part, les activités « critiques » et « théoriques » qui ont accompagné la sacralisation de la littérature se trouvent aujourd’hui neutralisées par un surfing, un zapping et un copier-coller généralisés, qui se con-tentent de butiner le pollen où qu’il se trouve, se l’appropriant « sauvagement » sans perdre de temps à comprendre d’où il vient ni ce qu’il pourrait signifier « par lui-même » (giglioli 2012).
Par voie de conséquence, « l’œuvre » ne dispose plus de l’espace protégé d’une « stase interprétative » lui permettant de déployer progressivement ses richesses cachées, mises au jour par le travail patient et ascétique d’un lecteur-exégète – les dispositifs contemporains visant davantage à exercer une « action directe » sur leur récepteur-consommateur (hanna 2010 ; coulangeon 2011).
Enfin, le « lecteur » serait lui-même en voie d’extinction au sein d’un monde qui, au fil de la multiplication des écrans et de « l’obsolescence du livre », deviendrait de plus en plus une « civilisation de l’image » – déléguant les basses tâches de la lecture aux interactions machiniques entre scanneurs et bar-codes.
Le livre essentiel consacré par Jonathan Crary à l’émergence de la problématique de l’attention au cours du XIXe siècle montre que la « crise » que nous associons aujourd’hui au déploiement du numérique a en réalité des sources systémiques bien plus lointaines et bien plus profondes : « une dimension centrale de la modernité apparaît dans la persistante crise de la capacité d’attention, crise au cours de laquelle l’évolution des configurations du capitalisme pousse continuellement l’attention et la distraction vers de nouvelles limites et de nouveaux seuils, avec une séquence infiniment répétée de nouveaux produits, qui sont à la source de nouvelles stimulations et flux d’information, auxquels répondent de nouvelles méthodes de gestion et de régulation de la perception » (crary 1999 : 13-14).
Comme celles qui l’ont précédée, la « crise » introduite par le numérique – médicalisée en termes de « désordres de l’attention » ou dramatisée comme un état de distraction et de dissociation mentale affectant toute une génération – doit être envisagée comme résultant de la reconfiguration incessante de nos régimes d’attention par la logique productive du capitalisme : « les jeunes » ne nous apparaissent distraits que parce que nos machines de production redirigent leur attention sur des objets et des tâches que nous peinons encore à identifier.
Du manuscrit médiéval au livre imprimé et à internet, l’étude des régimes d’attention suggère que l’œuvre du lecteur doit moins être envisagée dans le travail de lecture lui-même, tel qu’il se déroule entre un objet textuel et un système nerveux centralisé, que dans ce qui pré-conditionne leur interaction depuis l’extérieur.
Ce dont nous avons besoin est moins une psychologie ou une phénoménologie de la lecture qu’une « archéologie des médiations » qui conduisent les humains à l’œuvre de lecture et d’interprétation (bardini à paraître ; voir aussi huhtamo & parikka 2011 et parikka 2012).
Comme l’a bien souligné Georg Franck dans son ouvrage fonda-teur sur l’économie de l’attention (franck 1998), le problème fondamental tient à ce que la façon dont nous distribuons notre attention pré-juge toutes nos autres formes de jugement.
Je ne peux évaluer quelque chose comme bon ou mauvais, désirable ou nuisible, que dans la mesure où mon attention aura été attirée vers son existence (actuelle ou possible).
Alors que nous sommes tous poussés à concevoir naïvement notre vie consciente comme une activité de sélection entre des alternatives disponibles, l’économie de l’attention vient nous rappeler que toutes ces sélections résultent de pré-sélections qui les pré-conditionnent.
Perdus dans nos rêves de démocratie, nous faisons comme si nos majorités silencieuses « choisissaient » (c’est-à-dire « élisaient ») McDonald’s, Coca Cola, TF1, Fox News, Avatar, Harry Potter, Obama, Hollande – en oubliant que cette élection (certes « libre » au sens où elle n’est pas contrainte par une menace de violence) résulte de processus de pré-sélection dont les logiques sont à la fois déterminées et déterminantes, systémiques et transindividuelles.
On voit en quoi une telle approche déplace les questions posées par le lecteur à l’œuvre.
Dans les passages des Confessions évoqués plus haut, on ne se demandera plus comment Rousseau lit les textes (avec quels effets sur ses comportements), mais comment les textes qu’il lit ont été pré-sélectionnés pour en arriver à faire l’objet de sa lecture attentive (avec quels effets sur ses comportements).
Une autre histoire en trois phases émerge alors, non moins intéressante que celle de ses modes de lecture.
Les livres lus à sept ans avec le père ont tous été pré-sélectionnés pour lui, puisque ce sont les ouvrages hérités de la bibliothèque de sa défunte mère (les romans) et de son grand-père maternel (l’histoire romaine).
De même les livres lus à quinze ans se caractérisent explicitement par leur absence totale de pré-sélection intentionnelle au sein du petit stock proposé par La Tribu : « bons et mauvais, tout passait ; je ne choisissais point : je lisais tout avec une égale avidité » (Rousseau : 67).
Ce n’est qu’aux Charmettes que Jean-Jacques arrive à l’âge adulte que caractérise une problématisation consciente de l’économie de l’attention : « ne rien savoir à près de vingt-cinq ans, et vouloir tout apprendre, c’est s’engager à bien mettre le temps à profit » (Rousseau : 281).
D’où la mise en place d’une stratégie explicite de pré-sélection et d’orientation préalable dans le monde des livres, de façon à s’approprier non seulement le contenu des ouvrages, mais bien davantage -l’acti-vité de pré-jugement qui régit la distribution de notre temps d’attention entre nos différentes activités possibles.
Le stress généré par le besoin de faire face à une surabondance de données rendue affolante par un dramatique manque de temps ne date pas de l’émergence d’internet.
Les reconfigurations entraînées par l’avènement du numérique ne font qu’exacerber, radicaliser, et donc mettre au premier plan, des problèmes de distribution de l’attention qui accompagnent depuis plusieurs siècles l’importance croissante prise par une économie de l’abondance venue se superposer à la traditionnelle économie de la rareté (sans bien entendu nullement abolir cette dernière).
Toutes nos interactions doivent être de plus en plus systématiquement pensées sur deux niveaux liés entre eux, mais relevant néanmoins de lois de fonctionnement hétérogènes : une écologie des choses matérielles (soumise à la rareté des ressources physiques) et une écologie des affections -mentales (soumise à la rareté des ressources attentionnelles, mais ouverte à la surabondance des œuvres disponibles, que ce soit grâce à l’imprimé ou grâce à la diffusion des fichiers numériques à coût marginal tendant vers zéro).
Collectivement, la modernisation n’est pas encore parvenue à l’âge adulte atteint par Jean-Jacques aux Charmettes : faute de raisonner en termes d’écologie des affections, nous ne prenons guère encore la peine de réfléchir à la pré-sélection de notre temps d’attention collective – abandonnant ce domaine pourtant central pour notre destin collectif aux seuls spécialistes du marketing, de la publicité, de l’audimat et des relations publiques.
Comme le remarquent ces spécialistes, au lieu que nous devions payer pour avoir accès aux œuvres, « à l’avenir, beaucoup de biens et de services seront fournis gratuitement en échange de quelques secondes ou minutes d’attention de la part de l’utilisateur » (davenport & beck 2001 : 213 ; voir aussi goldhaber 1996 et 1997).
C’est à un réagencement majeur de nos modes les plus fondamentaux de lire et d’interpréter, de voir et de connaître que nous sommes en train d’assister (weinberg 2011 ; cardon 2012).
Comme le soulignent les trop rares théoriciens -politiques qui prennent à bras le corps les questions d’économie de l’attention, à l’exploitation traditionnelle de la force de travail se superpose une nouvelle forme d’exploitation (culturelle) de notre capacité d’attention : la publicité, Google, le cinéma, la télévision, les magazines, les romans nous font travailler gratuitement à la reproduction des profits qui alimentent la mégamachine capitaliste (franck 2005 ; beller 2006 ; -moulier boutang 2007 ; berardi 2010 & 2013 ; kyrou 2011 ; galibert 2012 ; multitudes 2012).
Autant que sur le travailleur, l’exploitation porte aujourd’hui sur le téléspectateur, sur l’internaute et sur le lecteur du périodique ou du roman – lequel lecteur s’avère ainsi doublement « à l’œuvre » : en tant qu’il fait œuvre d’imagination face aux phrases du texte et en tant que son travail d’imagination œuvre à la reproduction des profits du capital.
Ces remarques trop rapides peuvent déboucher sur au moins quatre conclusions générales.
En premier lieu, l’étude de tout lecteur à l’œuvre mérite de s’intéresser, au-delà de l’interaction entre un texte et une activité interprétative, à l’environnement médiatique qui conditionne cette interaction.
Cela implique un double déplacement auquel nous invite aujourd’hui le champ d’étude émergeant de « l’archéologie des medias » : passer « de l’étude des medias à celle des médiations » et concevoir ces médiations non plus seulement comme de simples « canaux » mais comme de véritables « milieux », appelant ainsi une approche écologique (et non plus simplement économique) des régimes d’attention (bardini à paraître ; voir aussi strate 2006 ; lum 2006 ; Citton 2011 ; hörl 2012).
Une telle approche écologique sera probablement conduite, en deuxième lieu, à valoriser des phénomènes de « niches » ou de « vacuoles » nécessaires au développement de certains régimes d’attention : on peut difficilement s’absorber dans un jeu vidéo, dans le visionnement d’un film ou dans l’interprétation d’un poème sans éteindre son téléphone portable et se déconnecter temporairement de son courriel.
En parallèle avec l’écologie urbaine qui s’efforce d’agencer une diversité de micro-territoires différenciés au sein d’un même espace restreint, nous devons développer une écologie temporelle qui dote les lecteurs et les lectrices des vacuoles nécessaires aux régimes d’attention autres que celui de l’alerte.
Nous ne pourrons par ailleurs nous réapproprier les milieux médiatiques qui structurent nos interactions qu’en mettant en lumière les dispositifs qui pré-sélectionnent les choix du lecteur avant qu’il ne se mette à l’œuvre de lecture, que celle-ci relève du scannage de barre-code ou de l’exégèse littéraire.
Au sein d’une écologie des medias, la phase de pré-sélection conditionnant ce qui se trouvera (ou non) soumis à l’attention des lecteurs, auditeurs, spectateurs ou joueurs est au moins aussi importante que la phase d’interaction avec les œuvres elles-mêmes.
Or cette phase reste cruellement impensée par les théories socio-politiques actuellement dominantes.
Toute une écologie de la pré-sélection reste à développer à partir d’une conception re-politisée de l’économie de l’attention.
Enfin, on peut d’ores et déjà entrevoir ce qui constitue le défi majeur d’une telle écologie de la pré-sélection, défi qu’ont illustré de façon emblématique les citations tirées des Confessions.
Le paradoxe vient de ce que la dynamique émancipatrice mobilisée par la lecture – et, au-delà de ce seul cas particulier, par toutes nos expériences esthétiques les plus significatives – repose sur les effets d’aliénation qui nous permettent de devenir autre chose que ce que nous étions.
Jean-Jacques n’est devenu Rousseau que parce qu’il s’est « perdu » dans les romans de sa mère, dans les livres d’histoire de son grand-père, dans les systèmes de philosophes face auxquels il a accepté de suspendre tout jugement personnel.
Il a commencé par s’identifier à des aliens (Céladon, Mucius Scaevola) qui lui sont arrivés depuis l’extérieur de la sphère étroite de ses choix familiers : tant que Jean-Jacques lisait au hasard les livres de son héritage maternel ou des étagères de La Tribu, sans songer à les filtrer en fonction de critères déjà familiers, il s’exposait à des rencontres véritablement « étrangeantes », capables d’enrichir et de renouveler sa sensibilité et ses perceptions du monde.
L’un des défis majeurs d’une écologie des affections tient à ce qu’elle doit nous aider à pré-sélectionner ce qui défie nos critères familiers de sélection Dès lors que, dans la vacuole protégée des Charmettes, Jean-Jacques entreprend de s’orienter par lui-même au sein de la surabondance du savoir livresque (à l’aide de ses propres critères d’orientation), il se voit condamné à devoir pré-juger de ce qui lui permettra de dépasser ses pré-jugés – ce qui le conduit à lire « sans réfléchir pour ainsi dire et presque sans raisonner », c’est-à-dire en suspendant tout jugement critique.
Entre l’observation des lecteurs à l’œuvre, dans leur multiplicité et dans la pluralité de leurs pratiques, et l’émergence d’une économie de l’attention encore balbutiante et orientée essentiellement vers le profit marchand, c’est à un déplacement de la fonction critique que nous invitent les défis d’une écologie des affections.
Le travail de filtrage sélectif qui est à la racine étymologique de l’activité critique (κρεινω) n’a plus seulement à s’exercer sur les contenus et les formes circulant au sein de nos environnements médiatiques, mais bien plus décisivement – en amont de tels jugements – sur les critères de sélection qui ont conduit certains contenus et certaines formes à s’y multiplier, tandis qu’ils en bannissaient d’autres.
Tel est sans doute l’enjeu central des activités de -lecture à l’œuvre dans notre modernité tardive : depuis Dada, les surréalistes, l’art brut et les dispositifs aléatoires jusqu’à, aujourd’hui, la mode des œuvres interactives, nos pratiques artistiques cultivent une infinie méfiance envers les filtres invisibles qui régissent « spontanément » les limites du visible et du pensable – revigorant sans cesse l’appel à prêter activement attention à ce qui paraît relever du « n’importe quoi », du dehors, de l’étrangeté, de l’alien.
C’est bien pour cela que « le lecteur n’existe pas » : au sein du régime attentionnel de l’interprétation massifié par la modernité, tout lecteur est appelé à dépasser ses capacités actuelles de lecture, à questionner ce qui le constitue comme lecteur, à devenir autre, à devenir interprète non seulement du texte, mais aussi de soi-même et de ses propres modes d’interprétation.
En d’autres termes : l’attitude interprétative porte la critique à la puissance deux, en invitant l’exégète à suspendre localement les dérives a-critiques inhérentes à tout esprit critique.
Choisir ses aliénations sans cesser de s’ouvrir aux plus déroutantes étrangetés : voilà sans doute une définition exigeante mais incontournable d’une écologie des affections encore à inventer.
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